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Ce document est une traduction non officielle du texte original en hébreu publié dans le journal HaAretz. En cas de divergence entre le contenu de ce document et le texte original, le texte original en hébreu fera foi. Cette traduction a été réalisée de bonne foi par un traducteur non professionnel et peut contenir des erreurs.
Enchaînée aux mains et aux pieds, j’ai été conduite à la prison « Ohaley Kedar ». On m’a menée dans une cellule d’isolement pour femmes, dans une aile entièrement peuplée de prisonniers hommes, au lieu d’une cellule de détention ordinaire au commissariat. « Je te mets avec les femmes Russes, même si je sais que vous aimez les hommes Bédouins », c’est ainsi que le gardien m’a présenté la cellule d’incarcération, qui empestait l’odeur de selles, d’urine et de cigarettes. Je n’aurais jamais cru que c’est là que je me retrouverais à 23 ans.
Quelques heures plus tôt, j’étais sortie, avec des centaines d’autres, pour manifester et appeler à la fin immédiate de cette guerre horrible, pour exiger une vie véritablement sûre pour tout le monde – une vie qui ne se gagne que par des accords, pas par des bombardements. Je suis arrivée à Sderot en colère. Je fais partie d’une génération qui en a assez, une génération qui ne connaît pas de réalité saine et qui se bat pour son avenir ici. Une génération qui doit choisir entre aller en prison pour refus d’être réserviste ou sacrifier sa vie dans une guerre sans but. Nous étions nombreux, nous avons marché ensemble. Et puis nous avons été arrêtés. Le soupçon qui pèse contre nous – nous avons osé réclamer la paix, ou comme l’a formulé la police : « trouble à l’ordre public », parce que nous avons marché sur le bas-côté de la route (une accusation qui n’est jamais portée contre les militants de droite de « Tzav 9 », quand ils bloquent de leur corps les camions d’aide humanitaire en route vers Gaza).
En prison, j’ai vécu la peur, l’incertitude, la violence et l’humiliation – des choses que je ne connaissais pas. Et j’ai soudain compris que la situation est bien pire que ce que je pensais : il s’agit d’une arrestation entièrement politique. Nous avons atteint le point le plus bas : demander la paix est devenu illégal. Il y a des choses qu’on n’a plus le droit de dire. Il est interdit de dire que cette guerre nous détruit la vie. Il est interdit de dire que des dizaines d’enfants et d’innocents sont tués chaque jour. Il est interdit de dire la vérité : qu’il n’y a pas ici d’avenir bon et florissant sans une paix courageuse.
Il est aussi interdit de dire que la politique israélienne a connu l’échec le plus douloureux qui soit. Nous l’avons vécu dans notre chair le 7 octobre. Les remparts nous ont trahis. Des milliers d’Israéliens ont été assassinés, et des dizaines sont encore otages. Dans la bande de Gaza, depuis un an et demi, 25 enfants en moyenne – une classe entière ! – sont tués chaque jour. Chaque jour, une crèche est effacée. 25 enfants, des vies entières.
Alors bien sûr qu’une marche contre des meurtres indiscriminés met ce fiasco inconcevable en pleine face du gouvernement. Bien sûr que c’est une protestation qu’ils veulent faire taire.
Au début, la police a demandé une prolongation de la détention de 7 jours. En entrant dans la salle d’audience, enchaînée, j’ai vu ma mère pleurer dans le public. Ça m’a brisée. Alors non, je ne vais pas mentir et dire que j’en suis sortie plus forte. Je tremblais de peur. Je ne savais pas à quoi m’attendre.
Quand je suis enfin rentrée chez moi, je me suis promis que je ne me retrouverais plus jamais dans une telle situation. J’y ai encore pensé sur le chemin du retour, et pendant la nuit qui a suivi. Je me suis souvenue d’histoires de conflits violents et sanglants qui ont fini par se résoudre, de personnes qui n’ont pas renoncé, qui ont payé un prix – et qui ont réussi. J’ai fermé les yeux et j’ai imaginé ce moment – celui où nous vivrons ici en paix. Et j’ai tout de suite compris que je n’avais pas le choix, que je devais me battre pour cet avenir-là. Le seul avenir qui mérite qu’on se batte pour lui. Même au prix d’autres arrestations politiques à venir.
Parce que la vérité, c’est que deux peuples vivent ici, et aucun ne va disparaître. Des jeunes, des vielles, des bébés, des personnes âgées. Israéliennes et Palestiniennes, Juifs et Arabes. Nous pouvons continuer ce cercle de sang, ou choisir un autre chemin – mettre fin à la guerre, chercher une solution politique, construire un autre avenir, reconnaître l’appartenance des deux peuples à cette terre.
S’opposer à la guerre est notre devoir civique et humain. Aujourd’hui, Ron Feiner, un ami d’étude et de lutte, qui a été arrêté avec moi la semaine dernière, est entré en prison militaire pour 20 jours, pour avoir refusé de retourner combattre en réserve. Nous devons toutes et tous trouver notre voie, nos mots, pour agir avec les outils dont nous disposons, par des moyens non violents. Il n’est pas trop tard pour nous sauver. Nous n’avons pas le droit de nous taire, et nous n’avons pas le privilège de désespérer.
Notes de traduction:
Tzav 9 (צו 9), ou ‘Ordre 9’ en français, est une organisation d’extrême droite qui s’oppose activement à la livraison d’aide humanitaire à la bande de Gaza. Ses actions ont inclus le blocage des convois d’aide et le sabotage de l’aide elle-même. Le groupe a été désigné par les États-Unis comme une organisation « extrémiste violente ».